Évolution des perceptions du risque et nouvelles pratiques citoyennes

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Depuis l’accident d’AZF en 2001 et la mise en place d’un nouveau cadre législatif pour gérer la prévention des risques industriels et la réparation des dommages, les problématiques liées aux risques ont considérablement évolué. Quels sont les enjeux actuels pour les citoyens et les territoires ? Comment les pratiques citoyennes autour du risque s’articulent-elles aujourd’hui ?

Une évolution dans la perception des risques

Au cours des vingt dernières années, la perception des risques industriels a radicalement changé. Lorsqu’on interroge la population sur les dangers perçus au quotidien, la catastrophe industrielle n’est que peu mentionnée, tandis que le risque pour la santé devient une préoccupation de premier ordre. Les citoyens craignent aujourd’hui bien moins l’explosion de l’usine que la détérioration de l’environnement, pour eux-mêmes, leurs proches et leur territoire. Le danger n’est plus perçu comme brutal et ponctuel, mais présent au quotidien.

Lors d’une enquête sociologique menée à Rouen en 2022 par l’Icsi, les répondants s’inquiétaient majoritairement de la santé des enfants. Un autre exemple de cette dynamique est celui des polluants éternels (PFAS) en région lyonnaise, illustrant bien ce changement de perception. Cette évolution ne se manifeste pas uniquement chez les riverains “ordinaires”, mais également au sein des collectivités. Par exemple, la commune de Pierre-Bénite s’est ainsi portée partie civile dans un procès l’opposant à Arkema à la suite d’une enquête sur le sujet conduite par l’Institut Ecocitoyen. Ce changement dans l’attitude des collectivités est notable. En effet, le rapport des territoires à l’industrie a longtemps reposé sur un équilibre dans l’arbitrage entre un nécessaire dynamisme économique et l’impact sur l’environnement local, potentiellement néfaste. Ce dernier aspect ayant sans doute moins pesé dans la balance coût bénéfice, ou ayant moins été un sujet préoccupant pour un certain nombre d’acteurs.

Des freins et des leviers pour une implication citoyenne

Une enquête de perception sur les freins et les leviers d’une implication citoyenne face aux risques naturels et technologiques a été menée auprès de 10 000 Français par l’AFPCNT et l’Ifop, deux années consécutives, en 2023 et en 2024. Parmi les personnes interrogées, 50 % se déclarent préoccupées par au moins un risque d’origine technologique (industriel ou nucléaire), contre 97 % pour les risques naturels

Près de 70 % des répondants estiment ne pas être suffisamment bien préparés pour faire face individuellement ou collectivement à un éventuel évènement. Ils attendent plus d’informations sur les consignes et les bons comportements à adopter en cas de crise. Si une minorité des Français interrogés (12 %) ont mis en œuvre des mesures de prévention au sein de leur foyer, près de la moitié indiquent qu’une meilleure connaissance des risques, associée à un accompagnement technique et financier, favoriserait leur passage à l’action. 

Moins de 10 % d’entre eux mentionnent un engagement concret au niveau local pour prévenir les risques majeurs. Le manque de temps, de connaissances techniques ainsi que des acteurs et des dispositifs mobilisables semblent être les principales causes de cet engagement limité. La participation citoyenne ne demande donc qu’à être incitée et à s’exprimer.

Des pratiques citoyennes en mutation

Si la perception du risque a changé, les modes d’action en lien avec ces perceptions ont également évolué. Longtemps chasse gardée des associations militantes, les questions de risque et d’environnement sont de plus en plus investies par d’autres formes d’organisations. Autour de problématiques locales, des collectifs citoyens se créent et défendent une vision de leur environnement. Cela passe par une structuration différente des associations militantes, via une forme moins cadrée, avec des objectifs parfois diffus et variables.

Cette approche se révèle néanmoins d’une grande efficacité vis-à-vis des pouvoirs publics notamment, les citoyens bénéficiant d’une crédibilité et d’un poids électoral fort. En outre, la disponibilité des technologies de mesure et des réseaux de communication numérique a permis de nouvelles stratégies basées sur la création et/ou la récolte de données, leur interprétation et leur diffusion indépendamment du contrôle d’une autorité. Cela implique un accès plus facile aux données sources, elles-mêmes plus nombreuses, mais aussi une fiabilité plus incertaine, ces collectifs n’étant pas toujours composés d’experts à même d’interpréter avec rigueur et précision les relevés effectués. Cette évolution provoque ainsi une reconfiguration de la diffusion et de la perception des informations, notamment dans l’espace médiatique. Cela nécessite un dialogue accru entre les parties prenantes sur les territoires et une transparence renforcée.


En effet, dans un monde où les gestionnaires n'ont plus le monopole ni de la diffusion de l’information ni des outils de mesure, la transparence devient une nécessité. Elle doit néanmoins s’accompagner d’un effort de formation des populations pour homogénéiser les rapports de communication et permettre un dialogue apaisé. 
La montée en puissance des collectifs citoyens et l’utilisation des nouvelles technologies modifient profondément le paysage de la gestion des risques industriels et nécessite une adaptation constante des parties prenantes. Si l’évolution de la perception influence significativement les dynamiques locales, la question de leur impact sur les politiques publiques reste à déterminer, leurs prises en compte, restant à ce jour, relativement marginales. 


Vidéo témoignage - Arnaud Gossement

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Vidéo témoignage - Nicolas Mayer Rossignol

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