Adapter les organisations pour maintenir un haut niveau de sécurité dans l’industrie
A l’annonce du 1er confinement français en mars 2020, l’industrie doit réorganiser le travail à grande vitesse et à grande échelle. Dans les grands groupes, des cellules de crise sont constituées, des « task forces » chargées d’édicter des règles de fonctionnement au niveau national et en un temps record. Au niveau local, on adapte ces règles à la réalité du terrain et on se repose sur les forces vives et l’expertise des équipes pour gérer cette situation exceptionnelle. Quels sont les ressorts qui ont ainsi permis à l’industrie de tenir le cap en matière de maîtrise des risques malgré les incertitudes et les bouleversements organisationnels ?
| L’adaptation à vitesse grand V des entreprises |
Un bouleversement des priorités : arbitrer la sécurité face aux autres enjeux
C’est assez inédit dans l’histoire moderne. Du jour au lendemain, le risque sanitaire passe tout en haut de l’échelle des priorités, au-dessus des intérêts économiques et de la vie sociale. Et une large part de la population mondiale est confinée. Dans les entreprises aussi, le risque sanitaire devient prioritaire. Des secteurs d’activités entiers sont mis à l’arrêt (aéronautique, tourisme, culture, etc.) quand d’autres font face à une activité sans précédent (santé, numérique, énergie, etc.). La crise de la Covid-19 n’a donc pas la même réalité pour tous.
Face à ce bouleversement des priorités, les entreprises doivent procéder à de nouveaux arbitrages entre leurs différents enjeux : production, financier, logistique, sécurité, sanitaire… Et ces arbitrages s’adaptent aux contextes des différents secteurs et aux réalités de chaque entreprise.
Formation : Arbitrer la sécurité face aux autres enjeux
Dans le domaine de la sécurité, au début de la crise, une inquiétude se pose : l’attention croissante donnée à la sécurité sanitaire se fera-t-elle au détriment de la maîtrise des risques majeurs ? A-t-on construit des systèmes suffisamment robustes pour passer le cap ?
Centralisation des décisions, implication des SST et PCA
Pour faire face à la situation exceptionnelle, les entreprises qui en possèdent, notamment les grands groupes industriels, déclenchent leurs plans de continuité d’activité (PCA) et activent leurs cellules de crise. Les comités exécutifs deviennent plus fréquents, et les décisions sont centralisées. Les services santé sécurité sont pleinement associés.
Ces modes de prises de décision et de gouvernances des risques, classiques en période de crise, n’ont pas été spécifiquement renouvelés lors de la crise de la Covid. Les cellules de crise ont été établies pour édicter de nouvelles règles de fonctionnement au niveau national ou international. Et ces règles sont ensuite mises en place et adaptées localement sur le terrain.
Si les entreprises qui s’en sont le mieux sorties avaient un PCA, ce ne sont pas pour autant ces derniers qui ont été pleinement appliqués. C’est parce que les entreprises avaient des pratiques de gestions des risques mieux développées que cela les a aidées.
Groupe de travail de l’Icsi « Covid-19 et gestion des risques »
Les entreprises ont donc utilisé leurs outils habituels de gestion de crise (PCA, SMS, etc.), mais c’est davantage leur maturité en termes de culture de sécurité qui leur a été bénéfique tout au long de cette crise.
| Mais aussi… une forte implication sur le terrain |
Si les décisions ont été très centralisées, sur le terrain, la situation exceptionnelle a eu un effet collatéral bénéfique.
Dans de nombreux secteurs, au niveau local, la « sécurité gérée » a pris tout son sens : les salariés ont fait appel à leurs compétences pour réagir de façon appropriée dans ce contexte de crise et face à la réalité du terrain. Ils ont été davantage responsabilisés et impliqués en matière de prévention et de maîtrise des risques.
Les équipes opérationnelles prennent de l’autonomie pour adapter à leur contexte spécifique les mesures génériques édictées au niveau national, ce qui génère une implication renforcée des opérateurs.
Isabelle Delobel, directrice du programme de transformation de la culture sécurité, SNCF
Dès le début, la crise de la Covid-19 est en effet marquée par une période où les solutions sont inventées sur le terrain au jour le jour pour continuer l’activité. On constate ainsi énormément d’initiatives et de proactivité.
Durant cette période, il faut être efficace et rapide sur le terrain, les salariés font ainsi preuve de beaucoup de créativité et proposent de nouvelles idées. Les managers, quant à eux, retrouvent un rôle de coach, accompagnant les salariés par la mise en œuvre pratique des solutions trouvées par les équipes.
François Goulain, directeur délégué sûreté EDF Divison Production Nucléaire
Ces initiatives « terrain », avec de nouvelles façons de travailler et de s’adapter à la situation, doivent absolument faire l’objet d’un retour d’expérience (REX). Faire le REX de ce qui a fonctionné sur le terrain – et pourquoi cela a fonctionné – permettra de gagner en gestion des risques en période de crise. Certaines expérimentations et nouvelles pratiques pourront être pérennisées et étendues.
Enfin, bien qu’impliqués tardivement et peu consultés initialement dans les plans de gestion de la crise, les représentants des CSE ont ensuite joué un rôle important dans la mise en place des mesures locales. Ils ont été davantage consultés, le dialogue s’est renforcé. Là aussi, une bonne pratique à conserver absolument dans la durée et pour l’ensemble des sujets de sécurité.
DOSSIER - La crise de la Covid-19 : un révélateur et accélérateur de changements pour la gestion des risques
PARTIE 1 : L'industrie face à la crise de la Covid-19
- #2. Les nouveaux enjeux du management pendant la crise
- #3. Décider dans l'incertain, comment faire ?
PARTIE 2 : Comment se préparer aux prochaines crises ?