François Fournier, Force Ouvrière : "L’importance de remettre l’humain au cœur de nos systèmes"

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François Fournier, Force Ouvrière : François Fournier, Force Ouvrière :

François Fournier, représentant de la Fédération de la chimie de Force Ouvrière dans le groupe d'échange « Analyse des impacts SOH des projets de transformation »

 

Pourquoi avoir rejoint le groupe d’échange de l’Icsi sur l'analyse des impacts sécurité des projets de transformation ?

François Fournier : Globalement, sur l’ensemble des sujets abordés, la démarche de l’Icsi est précieuse car elle fait évoluer la prévention de la sécurité tout en tenant compte des évolutions des modes de travail. En tant que salariés, nous sommes sans cesse confrontés à de nouvelles organisations et à des évolutions des fonctionnements qui reposent la question de la prévention et de la sécurité pour les salariés eux-mêmes et pour les riverains des grandes zones industrielles. L’expérience de l’accident de l’usine Lubrizol a montré l’importance de la prise en compte de la gestion de l’organisation. L’intérêt pour notre organisation syndicale de participer à ce groupe d’échange est à la fois de mieux comprendre pour mieux accompagner les salariés, et d’avoir un échange de vues validé des deux côtés avec des responsables FOH, SOH ou sécurité de grands groupes dans lequel nous pouvons apporter notre vision de terrain.

Par exemple, lors des négociations de l'accord sécurité dans la chimie nous avions un but très clair : le retour des prérogatives du CHSCT. Comme cette finalité n’a pas été entendue, il nous apparaît important d’intégrer tous les outils en faveur de l’amélioration de la sécurité et des conditions de travail des salariés. Malheureusement, le Mase n’a pas été étendu aux entreprises sous-traitantes de sites Seveso seuil bas, et c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas signé cet accord. 

 

Comment voyez-vous votre rôle ?

François Fournier : L’enjeu pour nous est de démontrer l’importance de remettre l’humain au cœur de nos systèmes. Nous sommes dans une société où l’on fixe des objectifs aux salariés sans nécessairement leur donner les moyens ni le temps nécessaire pour les atteindre. Cela entraîne une dissonance cognitive, qui au bout d’un moment peut créer des problèmes d’ordre psychologique et moral. Nous avons besoin de systèmes pour cadrer les choses et gérer tous les facteurs organisationnels, mais l’humain doit avoir toute sa place, et chacun doit avoir la possibilité de s’exprimer librement. C’est vrai pour le cadre de direction qui a la responsabilité d’un projet, qui ne doit pas avoir à craindre pour son évolution de carrière, tout autant que pour l’ouvrier confronté à ce projet, qui doit se sentir bien dans son organisation pour l’accepter, et pour cela être réellement formé à ces évolutions. Cela nécessite d’entendre tous les niveaux hiérarchiques et d’instaurer une relation de confiance.

 

Quel premier bilan tirez-vous des échanges au sein de ce groupe ? 

François Fournier : Nous en sommes encore au début, mais à chaque réunion, nous prenons un peu de l’expérience de chacun pour examiner et discuter les propositions de demain. De notre côté, nous essayons de faire passer des messages et de rappeler certains points qui nous semblent essentiels quand on parle de sécurité, comme cette question de l’écoute et de la confiance des salariés. Je trouve très intéressant de confronter les visions des intervenants de tous horizons, qui à l’arrivée nous donne une vision globale de ce qui peut se faire. Certains sont de véritables experts dans leur domaine, d’autres le sont moins, mais tout le monde a la même légitimité à s’exprimer, c’est aussi un point très positif. Ensuite, la grande question sera de parvenir à convaincre les décideurs de l’intérêt des solutions que nous leur apporterons, pour qu’ils les acceptent et les appliquent dans leurs organisations.

 

Y a-t-il des sujets que vous souhaiteriez approfondir ?

François Fournier : Je trouverais intéressant de parler davantage de la transmission des informations sur les questions de sécurité dans certaines entreprises. Souvent, on ne capitalise pas suffisamment sur l’expérience des plus anciens, qui disparaît lorsqu’ils quittent l’entreprise. Il y a donc un enjeu de maintien des compétences et l'absence d’accompagnement de la séniorité peut se révéler problématique. Pour prendre un exemple simple, une entreprise qui externalise la réalisation des nouveaux plans de ses installations sans maintenir sa base existante prend le risque de s’exposer à des problèmes. La sous-traitance constitue un autre enjeu majeur. Et bien sûr, il faut analyser les effets des révolutions technologiques qui bouleversent le secteur de l’industrie depuis longtemps déjà. Avec le développement de l’intelligence artificielle, nous pouvons anticiper de nouveaux changements majeurs dans les années qui viennent. 


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