Industrie du futur : l’exemple du Japon pour la gestion des carrières longues

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Industrie du futur : l’exemple du Japon pour la gestion des carrières longues Industrie du futur : l’exemple du Japon pour la gestion des carrières longues

2030-2040. Qui sont les travailleurs de demain ? Une chose est sûre, l’allongement de la durée du travail contraindra les salariés à partir en retraite de plus en plus tard, cohabitant ainsi avec les jeunes générations qui continueront d’affluer sur le marché du travail. Cette problématique - soulevée par l’analyse stratégique « Opérateur du futur » menée par la Foncsi - pose la question de la gestion des carrières longues, de l’évolution des organisations ainsi que des compétences et des connaissances nécessaires dans cette industrie de demain.

Interview de Dounia Tazi, directrice des opérations de l’Icsi et membre des experts du groupe scientifique de l’analyse stratégique « Opérateur du futur » de la Foncsi.

 

| La Foncsi mène actuellement un programme de recherche sur l’opérateur du futur. Quels en sont les contours et pourquoi l’Icsi y participe ? |

DT. Il s’agit d’imaginer l’industrie de demain et les problématiques de sécurité soulevées par les évolutions des organisations à horizon 2030-2040, en particulier pour les industries à haut risque. L’évolution démographique, les carrières longues, le mix des générations dans les entreprises, les évolutions technologiques, le développement toujours plus important du digital, la gestion des compétences et des connaissances, sont autant de sujets sur lesquels il faut réfléchir. L’Icsi accompagne ses adhérents à des niveaux stratégiques et la sécurité du futur fait partie de leurs préoccupations. Nous nous faisons le relais de leurs questionnements auprès du programme de recherche et apportons notre expérience terrain.

Zoom sur l’analyse stratégique « Opérateur du futur »

Pilotée par Caroline Kamaté, responsable de programme de recherche à la Foncsi, l’analyse « Opérateur du futur » a débuté en mai 2019. Différentes étapes jalonnent l’avancée de ce travail de recherche et de prospective :

  • Après un travail d’analyse de la littérature et d’identification des experts mondiaux sur le sujet, un séminaire académique international de recherche s’est tenu fin 2020.
  • Un atelier prospectif sur la sécurité ferroviaire du futur a été organisé début 2021 avec des personnalités du rail.
  • Un séminaire industriel a eu lieu en juillet 2021 et a permis de présenter les premiers résultats de l’analyse et de confronter les visions académiques et industrielles.
  • L’écriture d’un ouvrage académique est en cours. Il paraîtra chez Springer dans les prochains mois.

 

Analyse stratégique "Opérateur du futur"

 

| Vous travaillez plus particulièrement sur la problématique des carrières longues avec l’Université de Niigata au Japon. Pourquoi ce sujet ? |

C’est un sujet qui s’impose par l’évolution des courbes démographiques. Les carrières longues au Japon sont aujourd’hui une réalité et on estime que l’Europe prend le même chemin à l’horizon 2030-2040. Il est donc intéressant d’explorer la manière dont le Japon gère aujourd’hui cette problématique.
Nous travaillons sur ce sujet avec Akira Tosé, professeur associé à l’Université de Niigata. Il a mené de nombreuses interviews d’experts au Japon et a restitué ses conclusions lors du séminaire académique international de l’analyse stratégique « Opérateur du futur ». Nous co-écrivons actuellement un chapitre pour le prochain livre de la Foncsi, à paraître chez Springer au début de l’année prochaine.

| Pouvez-vous nous livrer quelques pistes de réflexion ?

La cohabitation de plusieurs générations au travail pose un problème en termes de gestion des carrières. Historiquement, dans nos sociétés, les positions hiérarchiques les plus hautes sont occupées par les plus de 50 ans. Si ces personnes restent en poste jusqu’à 70 ans, les générations en-dessous ne pourront plus évoluer dans leurs carrières. On aura des générations qui seront senior en termes de compétences, mais qui ne pourront pas accéder aux fonctions managériales. Cela va scléroser les organisations et c’est ce qui se passe aujourd’hui au Japon.

Une des pistes mise en œuvre est de revaloriser socialement les métiers de la transmission : formateurs, experts techniques, spécialistes internes, experts indépendants, etc. Les 60-70 ans sont ainsi de plus en plus dirigés vers ces métiers, pour qu’ils transmettent leurs savoir-faire et leur expérience aux plus jeunes. Devenir manager n’est plus une fin en soi.

| Quelles sont finalement les compétences nécessaires à l’industrie de demain ? |

Il y a un vrai défi de gestion des compétences.  Pour préparer aux métiers de la transmission, il faut créer de nouveaux parcours de formation dans les entreprises. Aujourd’hui au Japon, ces formations sont proposées dès 30-40 ans. Mais cela entraîne deux autres challenges. Premièrement, il y a un travail à faire au niveau des plus jeunes, afin qu’ils acceptent d’être formés par les plus âgés. Deuxièmement, il faut faire le tri dans les pratiques qui doivent être transmises de génération en génération. Certaines pratiques parfois acceptables à une époque ne le sont plus 20 ans plus tard.

Un autre enjeu : former les plus âgés aux compétences digitales. Ils peuvent être moins à l’aise pour s’approprier les nouvelles technologies : les commandes à distance, l’automatisation, etc. Il faut également adapter les postes de travail du point de vue de l’accessibilité aux plus anciens, et prendre en compte ce paramètre dans l’organisation du travail en leur évitant les horaires décalés par exemple. Cela aura donc un impact sur la manière dont on va organiser le travail.

Dernier point fondamental pour l’industrie, la nécessité de conserver une mémoire des accidents les plus graves, de les raconter, les partager. Il y a de moins en moins d’accidents graves ou majeurs, mais il ne faut pas rentrer dans l’idée qu’il n’y en aura plus. Cette mémoire collective doit s’appuyer sur les plus anciens collaborateurs de l’organisation.

Icsi-Japon : un historique de collaboration de plus de 10 ans

 

En 2011, l’Icsi accueille Akira Tosé, alors étudiant à l’université de Keio, pour un stage de fin d’étude sur la thématique de la culture de sécurité.

En 2013, l’Université de Keio et l’Icsi mènent une étude comparative sur leurs diagnostics culture de sécurité respectifs, tous deux basés sur des questionnaires et des entretiens. Une entreprise japonaise remplit les deux questionnaires dont l’analyse aboutit à une convergence des résultats à 98%.

En 2019, Akira Tosé devenu professeur associé à l’Université de Niigata, est invité par l’Icsi à participer en tant qu’expert à l’analyse stratégique « Opérateur du futur » menée par la Foncsi.

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