Comment lutter contre le silence organisationnel ?

Le silence organisationnel, c’est cette situation où les informations importantes pour la sécurité sont disponibles au niveau du terrain, mais ne remontent pas et ne peuvent donc être analysées et traitées. Cette situation, vous l’avez sans aucun doute déjà expérimentée dans vos organisations ! Comment lutter contre le silence organisationnel ? Et si la culture juste et équitable était une des solutions ?
Pas de nouvelle = mauvaise nouvelle !
Faisons un exercice : vous êtes manager, directeur de site ou encore responsable HSE d’une industrie à risque. Vous n’avez-pas (ou très peu) de remontées d’information de la part des salariés sur le plan de la sécurité. C’est donc a priori que « tout est sous contrôle ». Il y a bien quelques indicateurs qui vous inquiètent un peu : quelques incidents qui se répètent, mais sans conséquences jusqu’à présent.
Attention toutefois aux apparences trompeuses de type « si rien ne remonte, c’est que tout va bien ». En matière de sécurité : « pas de nouvelle = mauvaise nouvelle ».
Peut-être vous trouvez-vous dans une situation de silence organisationnel.
Si vous travaillez dans un système à risque dynamique, complexe, vous devez savoir que si vous ne recevez pas d'informations, c'est parce que ces informations sont cachées. Parce que le système, par défaut, produit des anomalies sans arrêt.
Jesus Villena, Ergotec
Définition du silence organisationnel
Le silence organisationnel est une situation où les informations importantes pour la sécurité sont disponibles au niveau du terrain, mais ne remontent pas et ne peuvent donc être prises en compte dans la prévention et les décisions stratégiques.
Comment détecter le silence organisationnel dans votre organisation ?
Il existe un certain nombre de symptômes visibles :
- vous avez peu de signalements en matière de sécurité ou ils sont de mauvaise qualité,
- des incidents ou des accidents se répètent et ils semblent avoir les mêmes causes,
- vous constatez peu ou pas de proactivité de la part des salariés en matière de sécurité,
- le climat interne est dégradé, notamment entre managers et managés.
Ces symptômes visibles sont peut-être la manifestation d’un silence organisationnel qui s’est installé. Attention : cette situation est absolument délétère pour la sécurité !
Les mécanismes du silence organisationnel
Les mécanismes psychologiques
Il existe plusieurs mécanismes de défense individuels qui vont interrompre la remontée d’information.
Exemples : un opérateur placé dans une situation dangereuse dont il n’a pas la maîtrise et qui va se convaincre « qu’il n’y a pas de risque » ; un manager tiraillé par les informations contradictoires entre ce qui descend de la direction et ce qui remonte du terrain, etc.
Les mécanismes collectifs
Il peut être difficile d’être le premier à remonter des informations. Le regard des pairs entre en jeu, ainsi que la vision partagée de ce qu’est « un bon professionnel » : celui qui n’a pas de problème ou celui qui remonte les problèmes ?
Les mécanismes organisationnels
- Les illusions managériales : c’est la croyance que la situation est sous contrôle parce qu’il existe un grand nombre de règles et de procédures.
- La méconnaissance du terrain par les managers : les salariés auront tendance à taire les informations si les connaissances techniques et l’expérience du manager ne permettent pas à ce dernier de percevoir les subtilités de la configuration particulière qui a posé problème.
- Le sentiment de laisser-faire : le personnel a le sentiment que l’entreprise « laisse faire », que les comportements à risque sont tolérés notamment au profit de la production, des délais, etc.
- La sanction systématique : les salariés ont le sentiment que les signalements d’anomalies et d’erreurs les exposent à des sanctions ou des réactions négatives.
- Les réactions managériales arbitraires : lors du signalement d’une situation dangereuse ou d’une anomalie, la réaction du manager est perçue comme aléatoire... Elle semble parfois liée à l’humeur du manager ou à la qualité des relations interpersonnelles.
- Le traitement de l’erreur comme cause principale d’accident : les analyses d’évènements s’arrêtent aux causes les plus immédiates et se focalisent sur les comportements des opérateurs tels que les écarts aux règles, les erreurs ou l’absence de réaction appropriée.
- L’absence de reconnaissance des comportements positifs pour la sécurité : les salariés n’ont pas de retour positif de leurs contributions à la sécurité. Ils n’identifient plus clairement les comportements qui sont attendus ou les informations qui intéressent l’entreprise.
- L’absence de traitement ou de retour d’informations : les salariés ayant alerté sur une situation à risque ou fait une suggestion ont le sentiment que « cela ne sert à rien ». Les signalements ne sont pas suivis d’actions concrètes et personne ne les a remerciés pour leur vigilance.
Tous ces mécanismes dégradent la confiance. Les salariés de tous niveaux auront tendance à se taire plutôt que de remonter les informations. Cela aura donc des conséquences négatives sur la sécurité. Fort heureusement, vous pouvez agir !
Un axe de progression : développer une culture juste et équitable
Le développement d’une culture juste et équitable permet de créer les conditions de confiance et de transparence pour favoriser la remontée d’information. Concrètement, il s’agit de libérer la parole et donc de lutter contre de nombreux mécanismes du silence organisationnel :
Point de vigilance : le silence organisationnel s’installe souvent entre entreprise utilisatrice et entreprise intervenante. Intégrer les sous-traitants dans une approche culture juste et équitable est un défi qui mérite d’être relevé !
Le mot de la fin : n’ayez pas peur d’avoir plus de remontées !
Ne soyez pas frileux, si les mauvaises nouvelles remontent, c’est bon signe ! C’est une culture de partage qui s’installe, vous aurez une meilleure connaissance de ce que qui se passe réellement sur le terrain et pourrez agir et faire progresser la sécurité !

Plus il y a de mauvaises nouvelles, mieux c’est ! Ce n’est absolument pas le signe d'une santé déficiente. C’est au contraire le signe d’une culture de partage à laquelle on est très attachés. On est friands de mauvaises nouvelles, à condition qu’elles ne soient pas trop mauvaises non plus et qu’elles ne viennent pas trop tard dans la logique de partage.
Stéphane Corcos, DGAC