Covid, témoignage de l'OPPBTP : "On a observé une grande solidarité, on revient au b.a.-ba du lien social"
Quel impact de la crise liée à la Covid-19 pour la prévention des risques dans le domaine du BTP ? Quels changements sur le terrain ont-ils été observés ? Témoignage de Paul Duphil, secrétaire général OPPBTP, issu du webinaire proposé par l’Icsi le 1er octobre dernier.
OPPBTP & Covid-19, le contexte
- Début mars : la crise se profile, nous préparons des éléments sur les plans de continuité d’activité en réactivant des outils développés à l’époque de la grippe H1N1.
- 17 mars : au lendemain de l’allocution du Président de la République, les opérations de la plupart des chantiers s’arrêtent. Avec un contexte particulier : l’Etat estime dans un premier, temps que le BTP ne peut pas bénéficier de l’activité partielle, considérant les chantiers comme des lieux à faible risque. Le BTP a fait valoir un avis différent.
- 2 avril : l’OPPBTP publie en un temps record le guide de préconisations sanitaires qui servira de base à la reprise possible pour la branche BTP. Ce guide est téléchargé plus de 100 000 fois dans les premières 24 heures et en est aujourd’hui à sa 5e mise à jour.
- 11 mai : de nombreuses entreprises du BTP attendent le déconfinement pour reprendre leurs activités.
| Quelle a été la place de la sécurité pendant la crise et à la reprise ? |
Le caractère exceptionnel de cette crise a fait de la santé/sécurité un point de passage incontournable. Par exemple, pour le domaine du BTP, il a été décidé dans un accord très officiel avec les organisations patronales du BTP, les Ministères de la Transition Ecologique & Solidaire et du Travail & de la Santé, que la reprise du travail est conditionnée à l’édition et au respect d’un guide de préconisations sanitaires. C’est la première fois qu’on écrit en rouge et en gras « seules les entreprises pouvant respecter les préconisations peuvent travailler et que à défaut le travail doit s’arrêter ».
Les directions santé/sécurité des groupes que nous accompagnons sont devenues des interlocuteurs de premier plan des directions générales. Et l’OPPBTP a renforcé ses relations avec l’Etat et les organisations patronales. Cela a conféré une forte visibilité à nos métiers santé/sécurité.
Un point important : nos systèmes ont fait preuve de résilience. Si on n’a pas anticipé comme nous aurions pu, voyant la crise arriver depuis la Chine puis l’Italie, nos systèmes ont su se mettre en situation opérationnelle pour apporter rapidement des éléments de réponse. Par exemple nous avons réussi en 10 jours à travailler un accord paritaire avec l’Etat pour la parution du guide de préconisations sanitaires, ce qui est un délai très court.
Concernant les plans d’actions, les préventeurs ont su se saisir de l’outil digital pour porter et faire passer les messages de prévention, chacun au bon niveau. Concernant le plan d’actions global, je regrette que l’Etat n’ait pas souhaité mettre en avant le document unique. Il nous semblait au contraire que c’était l’endroit où regrouper l’ensemble des informations sur la prévention des risques, y compris ceux liés à la Covid-19.
Enfin, la crise de la covid-19 a été un moment d’irruption massive et brutale d’une question de santé publique dans la santé au travail. On a l’habitude en France, d’un point de vue juridique, d’une séparation assez nette entre les deux. Une interrogation nous est posée : comment mieux faire le lien entre santé personnelle et santé au travail ?
| Quel a été l’impact de la crise sur le terrain, notamment en termes de conséquences humaines et sociales, de présence managériale ? |
Pendant la crise on a observé une grande solidarité au sein des équipes, avec des contacts téléphoniques réguliers, des cafés à distance… quelque chose de spontané qu’il nous faut garder et encourager, on revient au b.a.-ba du lien social !
Dans la construction, les entreprises ont beaucoup mis en avant l’enjeu du soutien par les clients. Certains maîtres d’ouvrage ont spontanément accompagné les entreprises, voire ont pris des initiatives pour mettre tout le monde en sécurité. D’autres ont refusé toute responsabilité sur la question et ont tout rejeté sur les entreprises.
En termes de mesures concrètes, la crise a été l’occasion pour les entreprises de revoir la façon dont elles abordent les questions d’hygiène. Des choses ont changé radicalement sur les chantiers : le lavage des mains, le nettoyage passé de 1 fois par semaine à 2 fois par jour de la base vie – les bungalows avec vestiaires, douches… - où, par culture métier on rentrait les bottes pleines de boue et les vêtements sales. La question est de savoir si ces avancées survivront à la crise.
Enfin, la focalisation sur le risque covid a-t-elle détourné l’attention des autres risques ? La réponse est très différente selon les entreprises : celles déjà structurées en matière de prévention des risques ont su ajouter le risque covid et le surcroît de préparation à la reprise a bénéficié à la gestion de tous les risques. Pour les entreprises peu structurées, souvent plus petites, la focalisation covid a parfois fait perdre de vue les risques traditionnels.
Avec la deuxième vague qui arrive, nous lançons une campagne digitale pour rappeler l’attention de tous dans le BTP sur les gestes barrières, sur le contact tracing… Il nous faudra mener des actions, rappeler la prévention des accidents graves et mortels, soutenir les progrès réalisés pour qu’ils s’ancrent dans la durée.
| Le webinaire en replay |
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