Participation citoyenne : 2 visions d’industriels, TotalEnergies et la plateforme chimique de Pont de Claix
Découvrez comment deux acteurs industriels, TotalEnergies et la plateforme de Pont de Claix, se mobilisent pour renforcer la sécurité et promouvoir la participation citoyenne dans leurs territoires respectifs. À Feyzin, Gilles Noguérol, directeur du site TotalEnergies, revient sur les transformations induites par la loi Bachelot et la mise en place de la Conférence riveraine, qui ont permis de bâtir une relation de confiance avec les riverains. De son côté, Patrick Pouchot, représentant de la plateforme chimique de Pont de Claix évoque son action pour développer une culture de prévention des risques et améliorer la résilience du territoire.
Interview #1 - Gilles Noguérol
Directeur de la plateforme TotalEnergies de Feyzin
Depuis plusieurs années, la plateforme TotalEnergies à Feyzin se distingue par une collaboration étroite entre le site industriel, la mairie et les citoyens de la commune au travers d’un dispositif unique, la Conférence riveraine. Gilles Noguérol, directeur du site de Feyzin, nous parle de l’évolution de cette relation tripartite et de son approche du territoire.
Comment la mise en place de la loi Bachelot a influencé les pratiques de votre site ?
Gilles Noguérol : La mise en place de la loi Bachelot a été un tournant majeur, concrétisée par le plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Cela reflète la volonté des services de l’État de normaliser et d’améliorer la protection des riverains, ainsi que de mieux maîtriser l’urbanisation autour des sites industriels à risque. Ce cadre législatif a induit une prise de conscience plus aiguë des risques industriels, tant au niveau externe, avec une meilleure maîtrise de l’urbanisation, qu’en interne, où nous avons redoublé d’efforts pour gérer le risque à la source.
Cette loi a-t-elle modifié vos relations avec la mairie et les citoyens ?
Gilles Noguérol : La collaboration entre la mairie de Feyzin et le site a été fondamentale dès le départ. Il y a eu un changement majeur dans notre façon d’interagir avec les citoyens et les autorités locales. Nous sommes passés d’une relation marquée par la défiance à une relation de confiance. Pour cela, il a fallu du temps et de nombreux efforts, mais la clé a été la transparence et l’établissement d’un dialogue sincère et continu. L’outil principal de la construction et l’évolution de cette relation a été la Conférence riveraine.
Quelles sont les principales étapes qui vous ont permis de passer de la défiance à la confiance avec les riverains ?
Gilles Noguérol : Cela a été un processus long, environ quinze ans. La première étape était de créer un lien personnel, de passer du statut de « Monsieur le directeur de la raffinerie » à une personne avec qui les riverains peuvent dialoguer. Nous avons organisé des réunions régulières pour se connaître et établir une relation personnelle. La deuxième étape a consisté à développer un langage commun. Nos discussions étaient initialement pleines de jargon technique, incompréhensible pour beaucoup. Il a fallu apprendre à expliquer clairement nos opérations de manière simple mais précise, sans être simpliste. Enfin, et c’est peut-être le plus important, nous avons fait le pari de la transparence. Cela signifie admettre ce qui ne va pas bien, partager les incidents et les leçons tirées. Cette approche renforce la crédibilité de notre relation.
Comment la Conférence riveraine a-t-elle contribué à cette dynamique ?
Gilles Noguérol : La Conférence riveraine a joué un rôle essentiel dans l’établissement de ce dialogue. C’est une plateforme unique où nous discutons ensemble, avec la mairie et les citoyens, des enjeux importants pour le territoire. Ce n’est pas simplement une question de communication, c’est un véritable échange d’idées et de préoccupations. La mairie et moi-même ne dictons pas l’ordre du jour, il est co-construit avec les riverains. Cette démarche participative permet de mettre en lumière les véritables préoccupations et d’évoluer selon les besoins et attentes de la communauté.
Quels sont, selon vous, les facteurs de succès de cette collaboration ?
Gilles Noguérol : Le succès repose sur deux facteurs principaux. D’abord, une volonté claire et affirmée des deux partenaires clés : la mairie et le site industriel. Cela nécessite un engagement fort de la part du maire et de l’industriel pour instaurer et maintenir cette relation. Ensuite, il est crucial d’accepter de lâcher prise, de ne pas tout contrôler. Cela peut être difficile pour nous, industriels, mais il faut être prêt à écouter, à accepter les critiques et à s’ajuster en conséquence. La transparence et l’humilité sont essentielles pour construire cette relation de confiance.
En quoi cette collaboration a-t-elle évolué au fil des années ?
Gilles Noguérol : Au début, les discussions tournaient principalement autour des risques industriels, ce qui était compréhensible. Puis, à mesure que la confiance s’est installée, nous avons élargi nos sujets de discussion. Nous avons abordé les nuisances environnementales telles que le bruit et les odeurs, qui sont inévitables dans notre activité. Aujourd’hui, la Conférence riveraine se concentre également sur la transition énergétique, un enjeu crucial pour l’avenir. Les citoyens souhaitent que nous réduisions notre empreinte carbone tout en préservant notre impact économique positif sur le territoire.
Interview #2 - Patrick Pouchot
Représentant de la plateforme chimique de Pont de Claix
Patrick Pouchot, représentant de la plateforme chimique de Pont de Claix, nous présente comment l’ensemble des entreprises de la plateforme travaillent à renforcer la sécurité des équipements, des individus et du territoire en développant une culture de prévention des risques qui implique employés et riverains.
Qu’est-ce que la culture du risque industriel ?
Patrick Pouchot : Je préfère parler de « culture de sécurité ». En tant qu’industriels, nous devons identifier et maîtriser différents risques pour garantir la sécurité à tous les niveaux, que ce soit pour les personnes, les procédés ou l’environnement. Une culture sécurité efficace doit impliquer chacun, dès l’embauche, notamment à travers une formation continue.
Quelles actions mène la plateforme pour développer cette culture et la résilience du territoire ?
Patrick Pouchot : La mise en place du plan de prévention des risques technologiques (PPRT) sur la commune de Pont de Claix a été une occasion extraordinaire d’améliorer la sécurité des procédés de fabrication et donc le niveau de sécurité du personnel et des riverains. Lorsque de tels progrès techniques sont réalisés, cela tire vers le haut la culture de sécurité de notre personnel. Chacun prend pleinement conscience de son rôle dans la maîtrise des risques majeurs. Et par ricochet, on contribue directement à la résilience du territoire, par la réduction des risques à la source et la contribution aux mesures de protection des logements.
Quel est votre rapport avec la participation citoyenne et les instances de suivi ?
Patrick Pouchot : Nous sommes membres de la commission de suivi de site du Sud-grenoblois, présidée par le préfet de l’Isère, qui réunit industriels, services de l’État, élus, associations, et riverains afin d’échanger et de partager des informations. Nous participons aussi activement au secrétariat permanent pour la prévention des pollutions et des risques dans la région grenobloise (SPPPY), qui traite des risques technologiques majeurs et coordonne les campagnes réglementaires d’information. Sur ce sujet, nous travaillons en étroite collaboration avec le Spiral, son équivalent en région lyonnaise. Nous avons ainsi mené en 2023 une campagne au niveau régional (Auvergne-Rhône-Alpes) impliquant 123 établissements industriels et touchant 3,5 millions de personnes sur 656 communes. Il est crucial pour nous de nous engager dans ces démarches, notamment via les réseaux sociaux, pour sensibiliser le public et établir un contact direct avec la société.
Quelles évolutions notables ont eu lieu dans ce domaine ?
Patrick Pouchot : Les citoyens d’une manière générale et les riverains des sites en particulier sont beaucoup plus vigilants au quotidien vis-à-vis des sites industriels. Si un événement survient, les réseaux sociaux constituent un vecteur d’informations de premier plan, qu’elles soient vraies ou fausses ! Sur la plateforme de Pont de Claix, nous avons une page Facebook pour communiquer rapidement en cas d’incident.
Quelles sont les préoccupations de vos salariés, sous-traitants et riverains ?
Patrick Pouchot : Nous considérons depuis toujours que la sécurité des personnes et des procédés est la première des priorités ! C’est notre priorité pour les salariés, sous-traitants et riverains, surtout dans un milieu urbanisé comme Pont de Claix. Les riverains sont également sensibles aux nuisances (bruit, odeurs), à l’aspect visuel du site et aux questions environnementales et de santé.
Des exemples de bonnes pratiques pour favoriser le dialogue entre parties prenantes ?
Patrick Pouchot : Il est essentiel de travailler en étroite relation avec les collectivités locales et les services de l’État, qui connaissent bien le territoire. Sur Grenoble, nous avons aussi la chance de bénéficier de l’expertise de l’Institut des risques majeurs (Irma) qui joue un rôle important avec des initiatives comme le « Résilience tour ».
Quels défis à relever pour améliorer la participation citoyenne et la culture du risque industriel ?
Patrick Pouchot : Les dispositifs classiques de participation citoyenne, comme les réunions publiques, semblent dépassés. Il faut être concret, pédagogue, original et participatif. Des simulations avec des associations de sécurité civile peuvent être intéressantes, notamment pour sensibiliser les scolaires.
Qu’attendez-vous des associations comme l’AFPCNT et l’Icsi ?
Patrick Pouchot : Ces associations, avec leur réseau et expertise, peuvent définir des cadres de référence adaptables à chaque activité ou site, favorisant le partage d’expérience et le progrès collectif. Le travail en réseau est essentiel pour progresser et s’enrichir mutuellement des expériences de chacun.
Vidéo interview :
Patrick Pouchot - plateforme de Pont de Claix
Vidéo témoignage
La culture du risque sur le site de la Sara